SOMMAIRE
Surveillance au télétravail : ce que dit la loi et la CNIL
En matière de cadre légal et de respect de la vie privée et des données personnelles des salariés, deux textes sont là pour vous protéger : le Code du travail et le RGPD (pour Règlement général sur la protection des données).
Tout d’abord, l’article L.1222-9 du Code du travail donne une définition légale du télétravail :
Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectuée par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication.
Il précise aussi que la mise en application du télétravail doit se faire dans le cadre d’un accord collectif ou, le cas échéant, dans le cadre d’une charte éditée par l’employeur après avis du CSE (le Comité social et économique). Si rien n’a été fixé, il suffit alors d’un simple accord entre salarié et employeur pour que le télétravail soit applicable, et ce, quel que soit le moyen adopté (oral, courrier, mail…).
Mais, et c’est là que cela devient important, il y a des règles précises en ce qui concerne la surveillance du salarié en télétravail.
En premier lieu, l’employeur est obligé d’informer le salarié de tous les dispositifs de contrôle utilisés (article L. 1222-4 du Code du travail). Il doit également consulter le CSE avant toute mise en place desdits dispositifs de contrôle (article L. 2312-38 du Code du travail).
Ensuite, les moyens de surveillance mis en œuvre doivent être proportionnés aux tâches et aux objectifs fixés (article L.1121-1 du Code du travail). Cela signifie qu’un employé ne peut pas être surveillé en permanence grâce à un logiciel, de la même manière qu’un employé ne peut pas être contrôlé chaque seconde pendant tout son temps de travail lorsqu’il est dans les locaux d’une entreprise.
Enfin, le RGPD (Règlement sur la protection des données personnelles) est là pour protéger les données personnelles du salarié en télétravail. Et pour cause, le fait de travailler (souvent) depuis son domicile, voire avec son propre matériel, floute la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle. L’employeur doit donc se plier aux exigences de la CNIL et traiter uniquement les données liées aux tâches et missions professionnelles.
Tout ceci peut sembler un peu nébuleux ou abstrait, mais c’est ce qui permettra ensuite à la CNIL et à l’inspection du travail de déterminer si la surveillance, ou pire, l’espionnage, dont fait preuve votre employeur est légale… ou non !
Bon à savoir : la CNIL a remarqué que la grande majorité des plaintes pour surveillance excessive ou espionnage de l’employeur sur un salarié concernent surtout les petites entreprises qui n’ont pas de service juridique ou de délégué à la protection des données.
Contrôle du télétravail : ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas
Vous êtes en télétravail et vous voulez être sûr que votre employeur respecte les limites fixées par la loi ? Cette partie devrait vous intéresser.
Ce qui est interdit pour contrôler les salariés travaillant chez eux
Un employeur qui surveille son salarié à son insu, c’est-à-dire sans l’en avoir informé au préalable, s’expose à de lourdes conséquences. Comme nous l’avons vu précédemment, il est absolument illégal d’espionner un employé sans lui avoir expliqué comment il sera contrôlé et par quels outils.
Par ailleurs, les dispositifs de contrôle au télétravail ne doivent en aucun cas mener à une surveillance constante et permanente, car elle menacerait la vie privée du salarié.
Concrètement, cela signifie qu’il est interdit de :
- Installer des « keyloggers », des sortes de logiciels espions qui enregistrent toutes les actions réalisées sur un ordinateur.
- Activer un enregistrement en continu des activités du salarié. Par exemple, c’est le cas si l’employeur exige de ce dernier qu’il se mette en visioconférence durant ses heures de travail afin de vérifier qu’il est bien présent derrière son écran.
- Mettre en place un dispositif d’écoute continue chez l’employé. Il est malgré tout autorisé d’enregistrer des conversations téléphoniques (donc de manière ponctuelle), mais uniquement dans un but professionnel, c’est-à-dire dans le cadre d’une formation ou d’une amélioration du service, mais en aucun cas pour s’assurer si le salarié travaille ou pas !
- Obliger l’employé à effectuer très régulièrement des actions pour prouver sa présence (en cliquant sur une application dédiée ou en prenant des selfies toutes les x minutes).
Abus du télétravail, le cas de la visioconférence
Beaucoup de salariés en télétravail se demandent s’il est obligatoire de mettre sa webcam en visio. Eh bien, la réponse est un brin complexe. Si l’activation des caméras facilite, en effet, la communication entre les différents membres présents, elle peut révéler des informations liées à la vie privée du salarié.
C’est pourquoi la CNIL recommande fortement aux employeurs d’opter pour des applications qui permettent de flouter l’arrière-plan. Ainsi, le domicile et les éventuelles personnes tierces qui passeraient derrière le salarié au moment de la réunion sont protégés.
Si un tel dispositif est possible, alors, l’employeur a tout à fait le droit d’exiger une activation de la caméra : le salarié doit se rendre visible comme il le serait sur son lieu de travail. Si le floutage n’est pas une option envisageable, dans ce cas, le salarié peut refuser en toute légalité tant que son micro reste actif, bien évidemment.
Néanmoins, la CNIL assouplit ses règles dans des situations très particulières : un entretien avec les ressources humaines, un rendez-vous client ou encore la présentation d’un nouvel entrant dans l’entreprise par exemple.
Votre entreprise ne respecte pas les limites fixées par la loi et le RGPD ? Enregistrer les paroles d’une personne dans le cadre privé ou enregistrer l’image d’une personne dans un lieu privé sans son consentement est passible d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 45.000€. Ce n’est pas rien !
Sachez également que les « preuves » issues d’un outil de contrôle considéré comme illégal ou issues d’un contrôle non déclaré au salarié ne peuvent être utilisées pour justifier un licenciement. Dans ce cas, le salarié peut exiger une indemnité à son employeur ainsi que d’éventuels dommages et intérêts pour le préjudice subi.
Ce qui est légal pour surveiller le télétravail
Beaucoup d’outils de contrôle pour télétravail sont donc interdits par la loi française. En revanche, certains dispositifs sont autorisés comme :
- Les outils qui surveillent et limitent l’utilisation de certaines applications (réseaux sociaux par exemple).
- Les logiciels qui mesurent la fréquence des envois et la taille des mails (sans contrôle de leur contenu).
Dans ces deux cas, la CNIL considère que ces contrôles permettent d’assurer la sécurité des réseaux et d’éviter leur infection par des virus, mais également de limiter les abus (utilisation intensive des réseaux sociaux ou d’une messagerie personnelle, shopping en ligne, etc.). Le tout, sans être trop intrusif et en protégeant les données et la vie privée du salarié !
À l’heure actuelle, en France, les employeurs privilégient des moyens de contrôle du télétravail beaucoup plus « soft » que leurs confrères américains.
Généralement, les salariés doivent simplement :
- Pointer grâce à des systèmes en ligne afin d’indiquer leurs horaires de travail ;
- Rester joignable durant leur temps de travail ;
- Atteindre les objectifs fixés par leur direction ;
- Réaliser des comptes-rendus réguliers à leur supérieur.
Tout ceci est parfaitement légal et permet aux deux parties d’être rassurées !
Bon à savoir : vous envoyez régulièrement des mails personnels depuis votre boîte mail pro ? Votre employeur est donc en droit de les lire. Afin de les protéger, il faut les identifier clairement comme tels en indiquant dans leur objet « Privé » ou « Personnel ». Vous pouvez également les enregistrer dans un dossier spécifique du même nom dans votre messagerie.
Victime d’abus au télétravail : que faire ? Qui contacter ?
Vous estimez que votre employeur ne respecte pas les règles en matière de surveillance au télétravail ? Ne restez pas seul et agissez :
- Rapprochez-vous du Comité social et économique (CSE) de votre entreprise.
- Contactez un avocat.
- Appelez l’inspection du travail.
Ces derniers pourront vous conseiller avant de vous lancer plus en avant dans une procédure. Si vos doutes sont justifiés, alors vous pourrez envoyer une réclamation à la CNIL.
La CNIL est joignable par téléphone au 01 53 73 22 22 (du lundi au vendredi de 9 h 30 à 17 h) pour tout conseil, mais également par courrier à l’adresse suivante :
Commission nationale de l’informatique et des libertés
3 Place de Fontenoy
TSA 80715
75334 PARIS CEDEX 07
Des permanences téléphoniques par thème sont également organisées. Retrouvez leurs jours et horaires dans ce planning.
La CNIL peut réaliser des contrôles auprès de votre employeur. Et en cas de non-respect du Code du travail ou du RGPD, elle peut sanctionner l’entreprise.
De votre côté, si vous avez été victime d’un licenciement que vous jugez injustifié à cause d’une surveillance abusive de la part de votre employeur, vous devrez saisir le Conseil des prud’hommes pour obtenir gain de cause.
📚 D’autres articles peuvent vous intéresser :
En revanche, le Code du travail et le RGPD définissent très clairement les limites du télétravail et des outils de contrôle… Lire la suite
- Espionner un salarié à son insu ;
- Installer des keyloggers ;
- Imposer l’enregistrement continu de l’écran d’ordinateur ;
- Lire la suite
- Pointage des horaires de travail en ligne ;
- Comptes-rendus réguliers ;
- Objectifs de mission à atteindre ;
- Lire la suite
Crédit photo : © StockUnlimited
Depuis 2019, je dédie ma plume aux aides sociales et aux démarches administratives. Mon objectif : vous offrir un maximum d’informations, tout en vulgarisant ce que j’aime appeler « le langage Caf ». Pour que chacun puisse bénéficier des prestations auxquelles il a droit !