Lorsqu’on parle de seuil de pauvreté, chacun peut se faire une représentation de ce dont il est question. Mais à y regarder de plus près, cette notion est-elle aussi simple qu’il n’y paraît ? Spontanément, on associe à la pauvreté la non satisfaction de besoins élémentaires, se nourrir, se loger, se soigner, etc. Dans ce cas, il s’agit d’une approche dite absolue de la pauvreté.

Il existe aussi une approche relative qui consiste à définir des limites en termes monétaires. En 2025, le seuil de pauvreté est fixé à 1 216 € par mois, un montant qui permet de définir les minima sociaux en France. Ces derniers visent à réduire le taux de pauvreté, phénomène particulièrement discriminant et difficilement acceptable dans une société moderne, riche et démocratique. La pauvreté conduit souvent à un risque accru de rupture des liens sociaux et d’exclusion. N’oublions pas qu’elle est aussi une cause majeure de souffrance, génératrice de peurs multiples.


Le seuil de pauvreté basé sur le niveau des revenus

La pauvreté peut se mesurer en fonction du revenu disponible, c’est-à-dire le revenu de base à quoi s’ajoutent les aides sociales et se soustraient les prélèvements obligatoires comme les impôts. Nous l’avons déjà évoqué, il s’agit ici de la manière relative de considérer la pauvreté. Un seuil monétaire est alors établi, le seuil de pauvreté, comme étant la limite en dessous de laquelle une personne est considérée comme pauvre.

 

Calcul du seuil de pauvreté : un chiffre différent selon les organismes

Selon l’organisme d’observation et d’analyse sur lequel on se base, les chiffres de la pauvreté en France varient.

En 2022 pour l’Observatoire des inégalités, le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté s’élevait à 8,1 % de la population soit 5,1 millions de personnes.

Pour la même période, l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) signalait que 9,1 millions de personnes se situaient sous le seuil de pauvreté, soit 14,4 % de la population française.

Il est bien difficile d’avoir une appréciation précise du nombre de pauvres en France, car les statistiques se concentrent sur les personnes vivant en logement ordinaire.

Les chiffres annoncés ne tiennent pas compte :

    • De la population carcérale
    • Des personnes âgées logées en Ephad
    • Des personnes sans domicile fixe
    • Des migrants sans papiers

Cette différence d’appréciation des organismes d’observation de la population française vient du pourcentage appliqué au niveau de vie médian. En 2022, le niveau de vie médian s’élevait à 2 028 euros quand, pour comparaison, le Smic net était de 1 399 euros (1 426 euros en 2025).

Afin de définir le seuil de pauvreté, l’Observatoire des inégalités applique un pourcentage de 50 % au niveau de vie médian quand l’Insee retient un taux de 60%.

seuil de pauvreté

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Seuil de pauvreté INSEE : la norme officielle pour mesurer la pauvreté

L’Insee calcule le seuil de pauvreté selon différents pourcentages applicables au niveau de vie médian (2 028 euros). Ceux-ci s’échelonnent de 40% à 70% par tranche de 10% supplémentaires.

Par exemple pour une personne seule le seuil de pauvreté se situe à :

    • 811 euros pour un mode de calcul à 40%
    • 1 014 euros si on applique le taux de 50%
    • 1 216 euros pour un pourcentage à 60%
    • 1 419 euros selon un calcul à 70%

Nous retiendrons ici la base de 60%, le mode de calcul que l’Insee utilise généralement pour ses études.

Voici le seuil de pauvreté selon la composition familiale :

Composition familiale Seuil de pauvreté
Personne seule 1 216 euros
Famille monoparentale avec un enfant de moins de 14 ans 1 581 euros
Personne seule avec un enfant de 14 ans ou plus 1 825 euros
Couple sans enfant 1 825 euros
Couple avec un enfant de moins de 14 ans 2 190 euros
Couple avec deux enfants de moins de 14 ans 2554 euros
Couple avec un enfant de 14 ans ou plus 2 433 euros
Couple avec un enfant de moins de 14 ans et l’autre de 14 ans ou plus 2 798 euros
Couple avec deux enfants de 14 ans ou plus 3 041 euros

* Source insee.fr

Pour bien comprendre : une mère seule avec un adolescent de 16 ans dont le revenu disponible serait inférieur à 1 825 euros est considérée sous le seuil de pauvreté.

 

Seuil de pauvreté envisagé du point de vue de la privation réelle ou ressentie

La faiblesse des revenus n’est pas la seule façon de considérer la pauvreté. La satisfaction des besoins élémentaires comme dans les domaines du logement, de la santé, de l’éducation par exemple est déterminante pour délimiter la pauvreté envisagée ici selon une approche absolue. En effet l’aspect pécuniaire n’est pas la façon de mesurer la pauvreté, celle-ci se manifeste aussi dans des dimensions que l’on peut qualifier de “pauvreté humaine”.

En d’autres termes, les conditions de vie et la qualité de celle-ci permettent de savoir si une personne atteint le niveau de privation matérielle et sociale.

L’Insee avance le pourcentage de 13,1% de la population française reconnue en situation de privation matérielle et sociale, c’est-à-dire légèrement en dessous des chiffres avancés en matière de pauvreté monétaire (14,4%). L’explication en est que l’Insee s’est aligné sur la méthode européenne pour ce dernier calcul.

 

Comment se détermine la privation matérielle et sociale ?

Pour déterminer si un ménage* composé d’une ou plusieurs personnes est pauvre, une liste d’éléments de la vie courante a été établie. Si 5 critères sur les 13 retenus ne sont pas cochés, alors on peut dire avec certitude qu’on se trouve devant une situation de pauvreté.

La liste suivante se divise en deux parties : celle qui concerne la personne, et celle qui concerne le ménage.

Voici donc les 13 éléments jugés nécessaires pour avoir un niveau de vie en dehors du champ de la pauvreté.

Chaque individu doit avoir suffisamment de moyens financiers pour :

  • 1- S’acheter des vêtements neufs
  • 2- Être en possession de deux paires de chaussures en bon état
  • 3- Pouvoir rencontrer des amis ou de la famille autour d’un verre ou d’un repas au moins une fois par mois
  • 4- Être libre de dépenser un peu d’argent pour lui-même sans être tenu de demander l’avis aux autres membres du ménage
  • 5- Avoir des activités régulières de loisirs
  • 6- Avoir accès à Internet depuis son domicile pour son usage personnel

Les autres critères concernent le ménage qui doit être en capacité financière de :

  • 7- N’avoir aucun impayé en matière de remboursement de crédit, emprunt, loyer ou encore de facture d’électricité, d’eau ou de téléphone
  • 8- Faire face à une dépense imprévue d’un montant de 1 000 euros
  • 9- Chauffer son logement à température correcte
  • 10- S’offrir une semaine de vacances par an en dehors du domicile
  • 11- Changer le mobilier abîmé ou usé
  • 12- Consommer des protéines tous les deux jours, viande, poisson…ou équivalent végétarien
  • 13- Se payer une voiture personnelle

* Par ménage on désigne l’ensemble des habitants d’un même logement, qu’ils aient un lien de parenté ou non comme dans une colocation par exemple. Une seule personne peut représenter un ménage.

 

Baromètre du Secours Populaire : 62% des Français se sentent menacés de pauvreté

Il existe encore une autre manière d’apprécier le niveau de pauvreté. Le Secours Populaire vient de publier l’édition 2024 du Baromètre de la pauvreté et de la précarité auprès des Français. Cette association a fait appel pour cela à l’institut de sondage IPSOS et s’est attachée à mettre en lumière ce qui est appelé le seuil de pauvreté subjective.

Il convient dans un premier temps de définir ce terme, il est question du niveau sous lequel une personne s’estime pauvre. Si l’on s’en tient à la pauvreté subjective, le seuil est actuellement estimé à 1 396 euros nets mensuels, et on peut constater que ce seuil se situe tout près du montant du SMIC.

Cette étude montre que :

    • Le seuil de pauvreté subjective augmente de 19 euros par rapport à 2023 et n’a jamais été aussi haut
    • La pauvreté vue sous l’angle de l’appréciation personnelle devient plus importante : 62% des personnes interrogées répondent “OUI” quand on leur demande si elles se sont un jour senties menacées de pauvreté contre 58% en 2023
    • Selon une autre étude menée par l’institut de sondage CSA, les difficultés financières des Français augmentent : en janvier 2025, 1 personne sondée sur 4 déclare vivre à découvert à partir du 16 de chaque mois quand un an plus tôt le premier jour de découvert était le 17 du mois

Cette étude éclaire également sur les difficultés des Français dans le domaine de la santé, des loisirs et de l’accès au sport, particulièrement en zone rurale.

La conclusion de tout ceci est sans équivoque : le nombre de Français se considérant comme étant sous le seuil de pauvreté est en augmentation.

 

Quelles sont les personnes exposées à tomber sous le seuil de pauvreté ?

Pour savoir quels sont les facteurs qui exposent le plus les personnes à la pauvreté et à la précarité, il convient de croiser les statistiques de l’Insee et celles de l’Observatoire des inégalités. La difficulté réside dans le fait que ces deux organismes tout à fait fiables ne se basent pas sur les mêmes pourcentages du niveau de vie médian pour calculer le seuil de pauvreté.

L’Insee fixe ce seuil à 60% du niveau de vie médian, l’Observatoire des inégalités à 50%, ce qui évidemment conduit à des résultats difficilement comparables. De plus les statistiques de l’Insee concernent l’année 2022, tandis que l’Observatoire des inégalités inclut l’année 2024 dans ses études.

 

Les facteurs de risques

Cependant les facteurs qui prédisposent à la pauvreté sont les mêmes, ce qui nous permet de dresser une carte sociologique de la pauvreté en France.

Voici les causes les plus marquantes qui prédéterminent la pauvreté, les chiffres cités ici ne le sont qu’à titre indicatif :

    • Le chômage : 35,3% des chômeurs sont concernés par la pauvreté monétaire
    • L’isolement : les familles monoparentales sont pauvres à 31,4%. Quant aux célibataires, ils sont 2 fois plus touchés par la pauvreté que les couples
    • La composition de la famille : les couples avec 3 enfants ou plus sont pauvres à 19,6%
    • L’emploi ne protège pas toujours : les travailleurs indépendants sont pauvres à 18,3% quand les salariés en situation de pauvreté représentent 6,1% des personnes en activité
    • L’âge : on estime à 10% le nombre de jeunes de 18 à 29 ans qui vivent sous le seuil de pauvreté
    • Le handicap : 1 personne sur 5 est touchée par la pauvreté soit 20%, et 39% d’entre elles connaissent entre 16 et 64 ans des privations matérielles et sociales contre 15% de la population du même âge
    • L’origine : les immigrés sont 3 fois plus pauvres que les Français

S’il est une statistique à même de tordre le cou à l’idée reçue que suivre des études supérieures ne sert qu’à chauffer les bancs des facultés, c’est celle du niveau d’études : 80% des personnes en dessous de la limite de pauvreté ne sont pas allées plus loin que le bac et 30% d’entre elles n’ont aucun diplôme.

 

La pauvreté, un déterminisme social

Il existe une forte corrélation entre la situation de pauvreté monétaire vécue par une personne lors de son adolescence et sa situation de privation matérielle et sociale une fois à l’âge adulte.

En effet, les statistiques de l’Insee indiquent que si à 14 ans un jeune vivait dans une famille dont la situation financière était dégradée, son taux de privation en 2023 est de :

    • 27% si la situation financière de sa famille était très mauvaise
    • 23% en cas de situation monétaire mauvaise
    • 16% si sa famille vivait une situation financière plutôt mauvaise

Ainsi, dans 66% des cas un adulte se retrouve en privation matérielle et sociale si, lors de son adolescence, sa famille était sous le seuil de pauvreté.

 

Plus de pauvres dans les grandes villes

Par ailleurs, il existe deux types d’endroits où se concentre la majorité des habitants sous le seuil de pauvreté :

    • Les pôles urbains
    • Les Dom, Départements d’outre-mer

Selon l’Observatoire des inégalités, plus de 60% des personnes en situation de pauvreté vivent dans les grandes villes (source). Une étude plus fine montre aussi que les centres-ville sont 2 fois plus impactés que les zones périurbaines où se trouvent les quartiers résidentiels.

C’est dans les villes que l’on trouve les quartiers défavorisés, encore appelés zones sensibles. Ceux-ci se caractérisent entre autres par un taux de chômage élevé et par la grande difficulté que rencontrent les jeunes à s’insérer dans la société.

L’Observatoire indique que dans les 20 quartiers les plus défavorisés de France, 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. À titre d’exemple, la ville de Perpignan possède 3 quartiers parmi les plus défavorisés de France avec le taux de pauvreté le plus élevé du pays, entre 73 et 75% des habitants sont sous le seuil de pauvreté.

Il reste maintenant à évoquer la situation des départements d’outre-mer.

Quelques chiffres suffiront à vous faire une représentation du niveau de précarité :

    • À l’île de la Réunion : 36,1% des habitants vivaient en 2021 sous le seuil de pauvreté, soit 3 fois plus qu’en métropole
    • À Mayotte ce taux atteint des sommets : 77% de la population est considérée comme pauvre


Crédit photo : © Satjawat / Adobe


Chantal Pacome autrice sur aide-sociale.fr

Depuis mon entrée dans l’équipe du site aide-sociale.fr en 2018, j’ai à cœur de partager ma connaissance des aides sociales existantes et des démarches administratives. Je m’y emploie en les expliquant de la façon la plus exacte et la plus claire possible afin de les rendre accessibles à tous.

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