Depuis le tournant de la Seconde Guerre mondiale, la classe moyenne ne cesse de faire parler d’elle. Aujourd’hui, sa partie inférieure ne cesse de se rapprocher du montant du Smic. À son propos, les avis les plus divergents s’affrontent régulièrement, et à cela plusieurs raisons :

    • Qui en fait partie ?
    • Où se situe-t-elle sur l’échelle sociale ?
    • Qu’est-elle vraiment, peut-on la définir précisément ?

Dans ce texte, nous allons voir qu’il n’est pas si simple de répondre à ces interrogations, car il existe de nombreuses approches pour cerner la notion de classe moyenne qui elle-même se situe parmi d’autres classes sur l’échelle sociale de la société française.

Cependant, en se basant sur les caractéristiques diverses de la classe moyenne et sur son approche chiffrée, la lecture de cet article devrait permettre à chacun de se faire sa propre opinion concernant son appartenance ou non à cette catégorie sociale.

Dans l’inconscient collectif, les classes moyennes sont réputées trop riches pour bénéficier d’aides sociales. Ceci est globalement vrai, mais il existe tout de même de nombreuses exceptions à cette règle.


Les différentes approches pour identifier les classes moyennes

Rappelons d’emblée qu’il est couramment admis que la société française se divise en trois catégories de la plus favorisée à la plus en difficulté :

    • La classe aisée
    • La ou les classes moyennes
    • La classe populaire

Si l’on s’en tient à la classe moyenne qui nous occupe ici et pour savoir si on en fait partie, il est important de définir les critères qui permettent de l’identifier.

Plusieurs approches sont alors possibles :

    • Celle qui prend en compte les critères sociologiques tels que la profession
    • Celle qui se base sur les critères économiques tels que les salaires et les revenus

Voici un résumé en vidéo de la définition de la classe moyenne par Gilbert Chevalier sur France Info :

 

Une description par le prisme de la profession

D’un point de vue sociologique, on peut dire que les professions qui constituent la classe moyenne sont dites “professions intermédiaires”. Selon l’Insee, Institut national de la statistique et des études économiques, en 2018 plus d’un actif sur 4 exerce une profession intermédiaire.

Se situent dans cette catégorie :

    • Les professeurs des écoles, enseignants du sport et de la formation continue
    • Les commerçants
    • Les artisans
    • Les indépendants
    • Les professions intermédiaires du travail social et de la santé
    • Les professions intermédiaires de la fonction publique administrative
    • Les techniciens et techniciennes
    • Les agents de maîtrise
    • Les ouvriers les plus qualifiés
    • Des cadres supérieurs, en particulier ceux qui débutent

Il s’agit ici de catégories professionnelles que l’Insee a mises en place dans sa nomenclature des professions dites PCS, professions et catégories socioprofessionnelles. Cette codification n’est pas toujours explicite et il n’est pas simple de se situer soi-même dans cette classification.

C’est la raison pour laquelle il paraît plus efficace de se baser sur des critères économiques.

 

La classe moyenne salaire et revenus, un éclairage plus parlant

Pour rappel, depuis 1970 le Smic, Salaire minimum interprofessionnel de croissance, correspond au tarif horaire fixé par la loi en dessous duquel le travailleur qui perçoit un salaire ne peut pas être rémunéré.

Plutôt que de salaire, les instituts qui étudient la société française préfèrent se baser sur les revenus ce qui permet de définir des seuils de niveau de vie.

Par revenus on entend généralement l’ensemble des ressources, salaire, indemnités de chômage, pension de retraite, aides sociales, revenus de placements…moins les impôts directs c’est-à-dire sur l’impôt sur le revenu, la taxe d’habitation, les charges sociales.

Le revenu disponible pour un foyer est donc ce qu’il reste à un ménage pour consommer et épargner.

Pour simplifier, l’Observatoire des inégalités tout comme le Credoc, Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, situent la classe moyenne entre les 30% les plus pauvres et les 20% les plus riches.

Ceci revient à estimer la classe moyenne à 50% de la population française ce qui fait d’elle un groupe nombreux et hétérogène. C’est la raison pour laquelle celle-ci est parfois subdivisée en trois groupes :

    • La classe moyenne inférieure qui se situe à la limite de la classe populaire
    • La classe moyenne intermédiaire
    • La classe moyenne supérieure qui tutoie les classes aisées

Afin d’affiner la notion de classe moyenne, parler de revenus ne suffit pas, car 2 000 euros pour une personne seule ou pour un foyer avec enfants ne représentent pas le même niveau de vie.

En fonction de la composition de la famille, être riche ou pauvre n’implique pas le même niveau de revenus.

L’Observatoire des inégalités, en se basant sur les revenus de 2021, délimite ainsi les seuils de revenus de la classe moyenne pour six catégories différentes de ménages :

    • Pour les personnes seules: de 1 530 à 2 787 €
    • Une famille monoparentale avec un enfant de moins de 14 ans perçoit des revenus compris entre 1 989 et 3 623 €
    • Les couples sans enfant: entre 2 295 et 4 180€
    • Pour un couple avec un enfant de moins de 14 ans des revenus compris entre 2 754 et 5 016 €
    • Les couples avec deux enfants de plus de 14 ans disposent entre 3 825 et 6 967 € par mois
    • Pour les couples avec trois enfants dont un de moins de 14 ans: entre 4 284 et 7 803 €

Les seuils de richesse et de pauvreté en France

Afin de mieux situer la classe moyenne sur l’échelle des revenus en 2021, l’Observatoire des inégalités, en reprenant la même catégorisation des familles, déterminait ainsi la position de la classe moyenne entre richesse et pauvreté (montants en euros):

Profil Seuil de pauvreté Classe moyenne Seuil de richesse
 1 personne seule 965 € 1 530 à 2 787 € 3 860 €
 1 personne avec 1 enfant de moins de 14 ans 1 255 € 1 989 à 3 623 € 5 018 €
Couple sans enfant 1 448 € 2 295 à 4 180 € 5 790 €
Couple avec 1 enfant de moins de 14 ans 1 737 € 2 754 à 5 016 € 6 948 €
Couple avec 2 enfants de plus de 14 ans 2 413 € 3 825 à 6 967 € 9 650 €
Couple avec 3 enfants dont 1 de moins de 14 ans 2 702 € 4 284 à 7 803 € Plus de 10 808 €

Ainsi nous voyons qu’entre la classe moyenne et le seuil de pauvreté il existe un espace occupé par la classe populaire. De la même façon, entre la classe moyenne et le seuil de richesse se trouve la classe aisée.

 

Les enjeux de la classe moyenne France

Arrêtons-nous quelques instants sur les enjeux politiques que représente la classe moyenne et qui sont particulièrement visibles en période électorale.

Il n’est pas hors de propos de dire que, toutes tendances politiques confondues, séduire la classe moyenne est un objectif prioritaire pour remporter le suffrage. D’ailleurs le Premier ministre Gabriel Attal, au moment de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale le 30/01/2024, cible les classes moyennes qu’il décrit comme “le cœur battant du pays”.

Si l’ancrage à gauche de la classe moyenne est avéré dans les années 80, dites “années Mitterrand”, la situation s’est depuis modifiée et les formations politiques du centre et de l’extrême droite se lancent à l’assaut de la classe moyenne.

Certains, comme l’a précisé Emmanuel Macron, en lui promettant des cadeaux fiscaux dont la finalité est de stimuler la croissance.

D’autres agitent le drapeau rouge du déclassement et de la défiance envers les politiques qui ont déjà gouverné. Ils espèrent ainsi faire se rejoindre les intérêts de la classe moyenne et ceux de la classe populaire dont le vote est largement acquis au Rassemblement national selon les différents organismes de sondage d’opinion. À cet égard le titre d’un article du journal Le Monde daté du 3 septembre 2023 est éloquent :” Marine Le Pen, nantie du vote populaire, vise les classes moyennes.”

Que peut-on dire de l’évolution de la classe moyenne?

Évoquer la classe moyenne en France suscite quantité d’appréciations et de jugements contradictoires.

Selon leur sensibilité, économistes, sociologues et politiques la jugent soit:

    • Délaissée, appauvrie, en déclin victime de la panne de l’ascenseur social
    • Florissante, car favorisée par de nombreuses mesures d’allègement de charges comme la suppression de la taxe d’habitation, la défiscalisation des heures supplémentaires…

Alors qu’en est-il vraiment? Si l’on s’en tient aux catégories socio professionnelles définies par l’Insee force est de constater l’élévation du niveau de qualification des emplois proposés et le développement du secteur des métiers de service. À cela s’ajoute que les jeunes qui entrent dans le monde du travail sont de plus en plus diplômés, pendant que, dans le même temps, le secteur industriel fournisseur d’emplois peu ou pas qualifiés décline.

L’Observatoire des inégalités note que ces évolutions n’indiquent ni une “moyennisation” de la France avec une classe moyenne hégémonique ni une polarisation de la société qui verrait une explosion de la pauvreté et une classe aisée de plus en plus importante.

En conclusion, l’Observatoire des inégalités ainsi que d’autres organismes comme l’Insee indiquent, sur la base d’observations, une progression lente de la classe moyenne en France.

Nous le voyons, la classe moyenne représente un enjeu politique considérable et il importe maintenant de tenter une définition de cette catégorie sociale.

 

Une définition classe moyenne : est-ce possible ?

De l’aveu même du ministère de l’Économie et des Finances, il n’existe pas de définition officielle de la classe moyenne. Les chercheurs en sociologie et les institutions s’accordent cependant sur le fait que la classe moyenne est très souvent utilisée comme indicateur afin d’évaluer les évolutions sociales et économiques d’un pays.

Pour info : il existe de nombreuses analyses qui, afin d’étudier l’évolution des pays en développement, observent la progression de leur classe moyenne. Au titre de ces études, on peut citer celle de l’AFD, Agence française de développement, ou encore cet article collectif publié par Cairn.info.

La classe moyenne est donc une notion que l’on peut cerner sans pouvoir la définir nettement.

Voici pourtant un certain nombre d’assertions qui toutes, sans être très précises, situent distinctement la classe moyenne sur l’échelle sociale de la société française.

Ainsi on peut dire d’elle :

    • C’est une population qui n’est ni riche ni pauvre
    • Elle se situe au centre de l’échelle sociale
    • Elle échappe à la vie au jour le jour qui est le lot de la classe populaire
    • Emmanuel Macron parle de “ceux qui sont trop riches pour être aidés et pas assez riches pour bien vivre”
    • Dans le même ordre d’idée : la classe moyenne est trop riche pour les aides sociales, mais suffisamment nantie pour payer des impôts
    • Gabriel Attal précise: “les Français qui ne comptent que sur leur travail pour vivre, pas sur les aides ni sur un gros patrimoine”
    • Elle se situe entre ceux qui décident et ceux qui exécutent
    • Elle est parfois aussi qualifiée de ventre mou de la société

C’est au cours des Trente glorieuses, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, que la classe moyenne a tout particulièrement pris son essor. Le plein-emploi, la croissance économique et le progrès social de cette période de notre histoire en sont la cause.

Aujourd’hui la notion de classe moyenne permet de dépasser la vision binaire de la société qui se partageait jusqu’à récemment entre :

    • Les riches, les pauvres
    • Les dominants, les dominés
    • Les capitalistes, les prolétaires, selon une vision marxiste
    • La France d’en haut, la France d’en bas …

Ainsi, intercaler une classe moyenne entre la classe aisée et la classe populaire permet une approche plus nuancée et par conséquent plus juste de la société française.

Toutefois, s’il est impossible de poser une définition sur la classe moyenne, on peut repérer un certain nombre de points qui la caractérisent. Il s’agit de marqueurs sociaux qui se traduisent par des valeurs et des modes de consommation et de vie spécifiques.

Si on part du principe que les personnes des classes moyennes n’ont pas hérité de leur position sociale, mais ont dû la construire, on peut leur attribuer les valeurs suivantes :

    • L’importance accordée à l’éducation, à l’école
    • L’ambition et le désir de s’élever dans la société
    • Le fait de pouvoir se projeter dans l’avenir
    • L’effort individuel qui est valorisé ainsi que le mérite, son corollaire
    • le lieu de résidence dans des quartiers ni défavorisés ni huppés

Aux marqueurs sociaux déjà évoqués, à savoir le statut professionnel et le secteur d’activité s’ajoutent :

    • L’intérêt pour les loisirs comme pour les voyages ou les activités des enfants
    • L’attention majeure portée à la culture et à toutes ses manifestations: musées, cinéma, etc
    • L’importance d’une alimentation saine et d’une pratique sportive et leurs conséquences positives sur la santé. Selon que vos choix alimentaires se portent sur le bio, le local ou bien sur le discount vous serez considéré comme français moyen ou populaire

Conformiste ou avant-gardiste ?

Le sociologue Pierre Bourdieu, dans son ouvrage “La distinction” paru en 1979 aux éditions de Minuit, ne voit dans la classe moyenne, tenaillée par son  ascension sociale, qu’un désir de “singer” les plus riches. Il souligne ainsi un conformisme à toute épreuve.

Plus récemment d’autres chercheurs critiquent cette théorie et voient en la classe moyenne un acteur important de transformation sociale. L’écologie et le féminisme sont des exemples de ces mouvements sociaux extraprofessionnels impulsés et menés par la classe moyenne. De la même façon, son implication très importante dans la vie associative fait des couches moyennes un acteur fondamental dans le changement culturel de notre société.

icone info

Pour conclure, nous pouvons dire qu’il est possible malgré tout de définir la classe moyenne, mais il s’agit plutôt d’une définition en creux. De façon sous-jacente et indirecte, ce sont ses caractéristiques qui la décrivent sur la base d’observations et de sondages d’opinion.

 

Existe-t-il des aides pour la classe moyenne ?

Pour répondre à cette question, il faut avant tout différencier 2 types d’aides accessibles en France :

    • Les aides issues de la protection sociale : financées par les cotisations sociales des salariés et des entreprises, elles permettent de protéger la population contre un certain nombre de risques. La retraite, la couverture santé et maladie et le droit au chômage sont les principales mesures de protection sociale.
    • Les aides issues de l’action sociale et de la solidarité nationale : elles ont pour but d’aider les plus modestes, de garantir un revenu minimum à chacun et de favoriser l’accès à des conditions de vie décentes. Ces aides représentent la majorité des dispositifs dans laquelle figurent le RSA, l’aide au logement, le chèque énergie ou encore la prime d’activité.

Globalement, les personnes appartenant à la classe moyenne sont exclues des dispositifs d’action sociale et de solidarité, car leur fonction et d’aider les personnes les plus fragiles. En revanche, elles bénéficient de l’ensemble des mesures de protection sociales.

Cependant une fois ce principe compris, il existe de nombreux cas qui font exception à cette règle ou qui concernent les personnes dont les revenus les placent dans la partie inférieure de la classe moyenne.

Voici quelques exemples d’aides qui peuvent être accordées à la classe moyenne :

Ainsi, il existe tellement de dispositifs d’aides en France qu’il est difficile d’estimer par soi-même les aides sociales auxquelles on peut être éligible. Ceci est tout à fait valable pour les personnes appartenant à la classe moyenne.

Notre conseil : pour être sur de faire valoir l’ensemble de vos droits, n’hésitez pas à réaliser la simulation de vos aides. Vous répondez à quelques questions et le moteur listera pour vous les dispositifs qui correspondent à votre situation.


Crédit photo : © wildworx / Adobe


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