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Qu’est-ce que le congé parental père/mère indemnisé par la PreParE de la Caf ?
À la naissance d’un enfant, le congé parental permet au père et à la mère d’interrompre provisoirement leur vie professionnelle, de façon totale ou partielle, afin d’être présents aux côtés de leur bébé. Ce congé peut également profiter aux parents adoptants sous condition d’âge de l’enfant adopté.
Le congé parental est bien sûr facultatif, il concerne tous les salariés qui justifient d’un an d’ancienneté dans leur entreprise. Si la personne qui a obtenu ce congé ne perçoit plus de salaire pendant la durée de l’interruption de son travail, elle bénéficie de la certitude de retrouver son emploi.
Pendant cette période, une indemnisation équivalente environ au tiers du SMIC peut être accordée, sous conditions par la Caf. Ce dispositif de compensation financière est la Prestation Partagée d’Éducation de l’enfant, PreParE.
Cette indemnisation peut être accordée au père ou à la mère, ou encore aux deux parents en même temps, mais attention le montant de cette allocation n’est pas doublé pour autant.
Voici la répartition de l’indemnisation du congé parental entre le père et la mère pour 1 enfant :
- Chaque parent a droit à un maximum de 6 mois de congé parental : pour que le congé parental atteigne la durée maximale prévue, les deux parents doivent utiliser leur droit. Autrement dit, si un seul parent prend le congé, celui-ci sera limité à 6 mois.
- La durée totale du congé parental est de 2 ans maximum, à partager entre les deux parents : si un seul parent choisit de prendre le congé (généralement la mère), il sera limité à 2 ans dans la limite des 3 ans de l’enfant. Les deux parents peuvent décider de se partager le congé. Dans ce cas, ils peuvent utiliser ces 2 années comme ils le souhaitent, en alternant ou en prenant des périodes simultanées, dans la limite des droits accordés.
La répartition du congé parental entre les parents à partir du 2ème enfant :
Le congé parental du père a-t-il atteint ses objectifs ?
C’est le 30 décembre 2014 qu’un décret, en complément de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, met en place la PreParE dont l’objectif explicite est de favoriser le recours des pères au congé parental d’éducation.
Ce congé a donc pour but de permettre aux hommes de créer un lien fort avec leur bébé et de participer activement aux tâches parentales et domestiques. Dans le même mouvement, l’idée est de permettre aux femmes de reprendre leur emploi plus rapidement et ainsi de rester moins longtemps éloignées du monde du travail.
Sept ans après l’instauration de cette allocation liée au congé parental, l’OFCE, Observatoire français des conjonctures économiques, organisme de recherche de l’université Sciences Po, s’est penché sur le fichier des allocataires de la Caisse nationale des allocations familiales, pour évaluer les effets de cette mesure.
Les résultats montrent, sans ambiguïté possible, que les attentes sont loin d’être satisfaites.Quand l’objectif affiché était que 25% des pères sollicitent le congé parental assorti de la PreParE, seulement 0,8% d’entre eux l’ont fait en 2021 pour un congé à taux plein. Pour comparaison signalons que, dans le même temps, le taux pour les mères est de 14%. Et pour un congé à taux partiel, le constat est le même : le recours des pères à ce congé indemnisé est de 0,9% pour un premier enfant et de 1,8% pour les pères de 2 enfants ou plus.
Une conclusion s’impose : dans l’objectif de rétablir l’égalité entre les hommes et les femmes à la naissance d’un enfant, la réforme du congé parental assorti de la PreParE est un échec.
Comment expliquer l’échec du congé parental pour le père ?
Pour comprendre les raisons de cet échec, il peut être utile de comparer la situation en France avec ce qui se passe en Allemagne. Autour des années 2010 s’engage en France une réflexion dont le but est un meilleur partage du congé parental entre le père et la mère. L’observation de ce qui se passe en Allemagne et dans d’autres pays scandinaves permet de retenir les deux options suivantes :
- Un congé plus court, mais mieux rémunéré comme en Allemagne par exemple
- Le maintien d’une indemnisation autour de 400 euros comme le prévoyait le dispositif précédent, le CLCA, Complément de libre choix d’activité, avec une réduction du congé si celui-ci n’est pris que par un seul des parents
C’est cette dernière option qui a été retenue car, bien sûr, moins coûteuse que la solution choisie par l’Allemagne.
Au résultat, nous pouvons observer aujourd’hui qu’en Allemagne près de 32% des pères prennent le congé parental quand en France l’objectif de 25%, soit 100 000 pères, est très loin d’être atteint.
L’explication tient essentiellement dans le montant de l’indemnisation. En Allemagne, cette indemnisation est proportionnelle à l’ancienne rémunération du parent, soit 67% du salaire assorti d’un plafond. En France, la PreParE est une allocation forfaitaire qui, bien évidemment, est peu incitative pour le parent, en particulier pour le père, dont le revenu est le plus élevé de la famille.
Une autre part de l’explication de cet échec tient certainement au fait que les normes sociales en France en matière de parentalité sont toujours très “genrées”. Quand les femmes sont encore incitées à s’investir dans la sphère familiale, le champ d’action des hommes reste souvent la sphère professionnelle.
Cependant, la Fondation Jean Jaurès, en mars 2024, constate que la société française évolue vers plus de valeurs égalitaires. Assez important dans les années 90, le nombre des pères qui ne s’occupent d’aucune charge éducative diminue comme le rappellent les chercheuses Anne Solaz et Ariane Pailhé dans un entretien à l’Ined, Institut national d’études démographiques.
Contrairement à d’autres pays comme le Canada par exemple, il existe en France peu d’études statistiques récentes sur l’évolution du rôle de chacun des parents au sein de la famille. On peut toutefois s’appuyer sur une publication de l’Insee qui s’est penché sur la répartition des rôles du père et de la mère lors du premier confinement de 2020 lorsque les écoles et crèches étaient fermées.
Cette étude révèle une répartition encore très inégalitaire au sein du couple, tant pour ce qui est du soin apporté aux enfants que de la prise en charge des tâches ménagères.
On y apprend par exemple :
- Lorsque le 2ème enfant a moins de 3 ans, 91% des mères passent plus de 4 heures par jour à s’en occuper contre 49% des pères
- 100% des femmes consacrent 2 heures par jour aux enfants de 6 à 10 ans, notamment pour les accompagner à l’école, contre 68% des hommes
Il en va de même pour ce qui concerne le temps consacré aux tâches domestiques.
On y découvre que :
- 1 femme sur 5 consacre plus de 4 heures par jour aux tâches ménagères, ménage, courses, repas, linge, contre 1 homme sur 10
- 31% des femmes versus 16% des hommes passent entre 2 et 4 heures quotidiennes pour ces mêmes tâches
- 3 hommes sur 4 consacrent moins de 2 heures par jour aux tâches domestiques contre 1 femme sur 2
Ajoutons à cela la perception négative que certaines entreprises ont des hommes qui demandent le congé parental, et/ou la vision des parents de ces hommes dont le comportement est parfois regardé comme étant non conforme aux normes sociales, nous voyons que des freins culturels sont à l’œuvre pour expliquer l’échec du congé parental d’éducation pour le père.
Quelles pistes pourraient être envisagées ?
Si l’objectif de 25% des pères en congé parental demeure une priorité dans le cadre d’une “égalité réelle entre les femmes et les hommes”, alors le congé parental d’éducation doit prendre une autre forme que celle que nous observons aujourd’hui.
Lors d’une conférence de presse, le Président Macron a annoncé le 16 janvier 2024 le remplacement de ce congé par un congé de naissance qui se rapproche du modèle allemand évoqué plus haut.
Il s’agirait en effet de remplacer l’indemnité forfaitaire par une indemnisation plus forte, représentant un pourcentage du salaire, et sur une durée plus courte. Bien sûr les évolutions politiques de notre pays ont remis en cause ce projet, mais attention, ne vous y trompez pas, l’objectif prioritaire n’est plus ici un rééquilibrage des rôles parentaux, mais un plan de lutte contre la dénatalité constatée dans notre pays.
Peut-être faut-il regarder au-delà des Pyrénées pour entrevoir une solution qui permette de faire progresser l’égalité entre les genres. L’Espagne est devenu en janvier 2021 le premier pays au monde a mettre en place le même congé pour les mères et pour les pères, à savoir 16 semaines, et sans doute prochainement 20 semaines, complètement rémunérées. Deux ans après la promulgation de cette loi, des études montrent qu’il s’agit bien d’un succès, car les hommes espagnols, autant que leurs compagnes, prennent massivement ce congé lors de la naissance d’un enfant et l’utilisent dans sa totalité.
Cela démontre qu’une approche audacieuse vers une parentalité égalitaire est possible et peut apporter les résultats escomptés.
Pour cela, il faut bien évidemment que soit clairement énoncé l’objectif de réduction des inégalités dans le couple lors de l’arrivée d’un enfant, tant en matière de conditions favorables dans le monde du travail que d’une plus juste répartition des tâches domestiques et éducatives au sein du foyer.
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Depuis mon entrée dans l’équipe du site aide-sociale.fr en 2018, j’ai à cœur de partager ma connaissance des aides sociales existantes et des démarches administratives. Je m’y emploie en les expliquant de la façon la plus exacte et la plus claire possible afin de les rendre accessibles à tous.