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En période de crise économique, l’opinion publique cherche des boucs émissaires. Comme une évidence, un climat de suspicion entoure les bénéficiaires d’allocations sociales. De ce climat, émergent bien souvent deux catégories d’assistés : les paresseux et les fraudeurs.

Si on ne dispose guère de données suffisamment pertinentes pour tordre le cou à cette prétendue oisiveté, les fraudes sont en revanche tout à fait quantifiables et de nombreux rapports et études ont été publié sur le sujet.

Alors, qui sont les vrais tricheurs ? Afin d’envisager la question avec d’avantage d’humanisme, cette infographie s’amuse à confronter 3 idées reçues, parmi les clichés les plus courants, à la réalité des données que nous avons pu récolter. Ainsi, les chiffres avancés sont bel et bien réels et proviennent de sources officielles.

Idée reçue N°1 : la France va mal à cause de la fraude au RSA

Fraude minimas sociauxEn cette période de crise où la dette publique de la France pour 2016 s’établit à -75,9 milliards d’euros, soit -3,4 % du PIB (source INSEE), on entend souvent dire que les fraudeurs, en particulier au RSA, sont responsables d’une grande partie de cette situation préoccupante. Mais qu’en est-il réellement ?

 

Les chiffres de la fraude au RSA :  Estimations officielles

<strong>Oui la fraude au RSA existe</strong>

Dominique Tian, député LR (ex UMP) de la 2ème circonscription des Bouches-du-Rhône, a consacré 11 mois de travaux sur “la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la lutte contre la fraude sociale”. Ses conclusions sont consignées dans un rapport en date du 29 juin 2011 consultable sur le site de l’assemblée nationale (voir ici).

En substance, ce rapport démontre que la fraude au RSA existe, il ne s’agit donc pas d’un mythe. En revanche, il révèle également qu’elle est probablement sur-estimée par rapport à la réalité.

Selon les estimations avancées dans le rapport de Dominique Tian, le taux de fraude pour le RSA est le suivant :

    • Pour le RSA socle : 3,1% soit environ 263 millions d’euros de fraude
    • Pour le RSA activité : 3,6% de fraude soit environ 72 millions d’euros de fraude


Le RSA reste le dispositif social le plus fraudé avec 335 millions estimés au total. Les plus fréquentes sont l’omission frauduleuse (31 %) et la fausse déclaration (23 %). Peu de cas d’escroquerie ou de faux et usage de faux ont été répertoriés.

Pour vous donner un aperçu, la Cour des comptes a estimé en 2009 (selon un échantillon de 10 000 dossiers) à 0,46 % des allocataires la fraude aux allocations familiales et à 0,24 % la fraude à la prestation d’accueil du jeune enfant.

En contre-partie, le non recours au RSA représente un gain pour l’Etat de 5,2 milliards d’euros pour l’année 2010 selon les chiffres annoncés par la Commission Nationale d’évaluation du RSA dans son rapport sur “le non recours et ses motifs” paru en décembre 2011 (à lire ici).

 

La fraude aux impôts sur les sociétés : Qu’en est-il réellement ?

<strong>Entre 10 et 12% d’entreprises frauduleuses</strong>

La fraude au RSA peut être mise en relation avec d’autres fraudes plus conséquentes et moins “traitées” par les médias, telle que la fraude aux impôts sur les sociétés.

Elle se définit comme la soustraction illégale à la législation fiscale de tout ou partie de la matière imposable d’une société. L’entreprise fraudeuse paye moins d’impôt en utilisant des moyens illégaux.

A titre de comparaison, un rapport de Solidaires Finances Publiques, syndicat français de la direction générale des Finances publiques, sur les “Evasions et fraudes fiscales, contrôle fiscal” paru en janvier 2013 fait état de la fraude aux impôts sur les sociétés en 2012 :

    • Estimation basse : 23 milliards d’euros de fraude
    • Estimation haute : 32 milliards d’euros de fraude

Ces chiffres représentent entre 10% et 12% d’entreprises fraudeuses.

 

Comparaison fraude au RSA / fraude impôts sur les sociétés

Si on oppose le chiffre de 27 milliards d’euros fraudés  par les entreprises à celui des 335 millions d’euros de fraudes estimées pour  le RSA, on arrive quasiment à un rapport de 1 pour 100. On peut donc légitimement se poser la question : Pourquoi n’en parle t-on pas plus?
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Qui sont les vrais tricheurs : posez vous la question !


Idée reçue N°2 : Les arrêts abusifs creusent le trou de la sécurité sociale

fraudeurs sécurité socialeLe déficit de la sécurité sociale fluctue depuis plusieurs années. Depuis 2010 ce chiffre est en baisse mais reste néanmoins très important.

Cette dette s’explique tout simplement par des recettes moins importantes que les dépenses.

Le trou de la sécurité sociale a littéralement flambé au cours des années 2000 et atteint son niveau maximum en 2012, avec 15.3 milliards d’euros de déficit. Depuis la situation s’est largement améliorée et la tendance est à présent à la baisse.

En 2013, il représentait 12,5 milliards et a été réduit à 10.2 milliards en 2015. Le budget tendanciel de 2017 prévoit un déficit similaire à celui de l’année 2015 (consultez ici le rapport des comptes de la sécurité sociale).

Les arrêts injustifiés sont responsables du déficit : les éléments de réponse

<strong>10.2 milliards de déficit pour la sécurité sociale prévus en 2017</strong>

Qui est responsable de ces dépenses excessives ou de ces manques à gagner ? Peut-on affirmer et se contenter de dire que les arrêts maladie injustifiés et abusifs sont responsables du trou de la sécurité sociale ?

La sécurité sociale est répartie en quatre branches : maladie, famille, retraite, accident du travail. Selon l’IRDES (institut de recherche et de documentation en économie de la santé), les indemnités journalières représentaient en 2010 5 % des dépenses de santé.

En 2009 la moyenne de jours d’arrêt de travail était de 17,8 contre 14,5 jours en 2010 avec une durée inférieure à 8 jours pour 37 %, de 8 à 14 jours pour 22 %, de 15 jours à 1 mois pour 15 % , de 1 à 3 mois pour 15 %  et au-delà de 3 mois pour 11%. Ces chiffres proviennent d’une étude menée directement par l’assurance maladie en 2010 et qui fait état de 15,6 milliards d’euros versés au titre des indemnités journalières de la façon suivante :

    • 54,5% de cette dépense pour le risque maladie,
    • 21,6% du risque accident du travail et maladie professionnelle,
    • Le reste au titre des périodes de maternité

En parallèle de cette étude, le constat fait par le Député Dominique Tian durant ses 11 mois de travaux dans son rapport est le suivant : “La mission constate que le montant des fraudes détectées et stoppées en 2009 ne représente que 0,096 % du montant total des dépenses de la branche Maladie. Si l’on considère que la fraude représente 1 % des dépenses d’assurance maladie, la branche Maladie ne détecte en réalité que 10 % de la fraude présumée.”

Donc, comme en 2009 le montant des fraudes d’indemnités journalières était de 6,4 millions, on peut par extrapolation évaluer le total des fraudes à 64 millions d’euros.

A titre de comparaison avec les pays voisins, la France ne se situe pas sur le podium de l’absentéisme. En effet, des chercheurs du CNRS (le centre national de la recherche scientifique) ont étudié le comportement vis à vis de l’absence au travail des Européens entre 1994 et 2001. Leur constat, relaté dans le document “Les déterminants individuels des absences au travail : une comparaison européenne”, montre que la France se situe entre 10% et 11% d’absence (pour raison de maladie ou non), tandis que les Pays-Bas oscillent entre 16% et 18% . Le taux d’absence grimpe même entre 20% et 28% pour le Danemark.

Non, les français ne sont pas les champions de l’absentéisme au travail !

 

Les fraudeurs aux cotisations sociales ont-ils une part de responsabilité ?

<strong>La cour des comptes estime à 20 milliards d’euros de manque à gagner</strong>

Les particuliers sont-ils responsables de la majeure partie du déficit de la sécurité sociale ? Si l’on compare les chiffres de la fraude aux arrêts de travail à ceux de la fraudes aux cotisations sociales, on s’aperçoit que les entreprises jouent un rôle bien plus important.

La fraude aux cotisations sociales, qu’est ce que c’est ? Il s’agit en grande partie, des salariés non déclarés par les entreprises qui échappent ainsi au paiement des charges sociales. Elle représente des pertes importantes pour les finances publiques car ces charges devraient naturellement rentrer dans les caisses de l’Urssaf. Le phénomène devient de plus en plus complexe à détecter car les  les entreprises fraudeuses profitent de la nébuleuse qui caractérise l’administration française.

Pour l’année 2012, la cour des comptes chiffre à  plus de 20 milliards d’euros le manque à gagner et précise que ce montant est encore sous-estimé (rapport de septembre 2014).

 

Comparaison fraude aux arrêts de travail / fraude aux cotisations sociales

Même si les arrêts de travail injustifiés ainsi que la fraude aux cotisations sociales sont difficiles à estimer précisément, on constate un fossé abyssal entre les 64 millions d’euros d’abus aux arrêts maladies et les 20 milliards de fraude aux cotisations sociales.

Une lutte efficace contre la fraude aux cotisations sociales suffirait théoriquement à combler le trou de la sécurité sociale.

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Selon vous, qui est responsable du trou de la sécurité sociale !


Idée reçue N°3 : Les allocataires sont des grands fraudeurs

Enfin voici la 3ème idée reçue. Il s’agit de penser que les personnes allocataires qui perçoivent des prestations familiales fraudent plus que le autres.

la fraude des pauvres

Peut-on dire que les allocataires sont des fraudeurs ? 

<strong>La CNAF estime que 2,15% des allocataires sont des fraudeurs</strong>

La Caisse nationale des allocations familiales a mené en 2009 une étude sur 10 700 allocataires choisis de façon complètement aléatoire dans toute la France. Cela représente un échantillon test permettant d’évaluer la fraude.

Le bilan estime la fraude à 2,15% des allocataires. Cela représente 200 000 personnes. Toutes les données sont consultables dans le rapport du député des Bouches-du-Rhône de Dominique Tian.

Ses conclusions sont les suivantes : “L’impact financier de la fraude représenterait entre 0,91 % et 1,36 % du montant total des allocations versées en 2009, soit entre 540 et 808 millions d’euros“.

Selon les chiffres de la Délégation Nationale à la Lutte contre la Fraude relayés par Capital.fr, la fraude aux prestations sociales de la branche famille du régime général se répartit ainsi :

Les principaux types de fraudes constatées sont : l’omission et la fausse déclaration pour plus de 63%, la fraude à l’isolement pour 26% et  le faux et usage de faux ainsi que l’escroquerie pour plus de 10%.

Afin de ne pas sous estimer le phénomène, la fourchette haute estimée des fraudes aux prestations familiales représente 14% de 808 millions d’euros (ensemble des fraudes aux allocations), soit 119 millions d’euros.

 

La fraude à l’impôt sur le revenu : A combien s’élève la fraude ?

<strong>Entre 15 et 19 milliards de fraude à l’impôt sur le revenu</strong>

Si l’on considère les impôts sur le revenu non perçus par l’État, la situation est sans équivoque

Plusieurs années après un premier rapport sur les différentes fraudes fiscales et sur les formes d’évasion, le Syndicat National Solidaires Finances Publiques dresse un nouveau bilan pour l’année 2012.

Voici l’état des lieux de l’estimation des pertes fiscales de l’impôt sur le revenu :

    • Estimation basse : 15 milliards
    • Estimation haute : 19 milliards

La plus basse des estimations fait état de 15 milliards de pertes fiscales pour les caisses de l’État.

 

Comparaison fraude aux prestations sociales / fraude à l’impôt sur le revenu

Si l’on met en relation la fourchette haute de 113 millions de fraudes estimées aux prestations familiales avec l’estimation haute de 19 milliards de perte fiscale pour l’impôt sur le revenu, a t-on encore un doute sur les vrais tricheurs ?
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A vous de vous faire votre opinion !

Selon une étude menée par l’IFOP (institut Français d’opinion publique) sur un panel de 2 000 personnes âgées de 18 ans et plus, 46% des gens pensent que “il y a trop d’assistanat et trop de gens abusent des aides sociales”. Mais cela est-il vrai ?

La France se situe dans la moyenne des pays Européens en terme de protection sociale. A titre d’exemple, vous pouvez consulter l’étude “Comparaison Européenne des aides à la famille“. Les dépenses de protection sociale de la fonction “famille/enfants” représentent en moyenne 2.1 % du PIB dans l’Union Européenne avec des disparités (0.8 % du PIB en Pologne à 3.8% du PIB au Danemark). La France quant à elle se situe à 2,5% du PIB.


Attention en aucun cas, cette infographie vise à faire l’apologie de la fraude aux aides sociales. La fraude au RSA, aux arrêts maladie ou encore aux allocations familiales est un danger pour la pérennité du système social français et il est essentiel d’endiguer ce phénomène.

Le but est simplement de rappeler que les fraudes aux aides sociales représentent une part minime de la totalité des fraudes impactant la société française. Et, qu’avant de pointer du doigt les personnes qui sont souvent les plus démunies, il ne faut pas oublier que la lutte contre la fraude doit d’abord s’attaquer aux entreprises ainsi qu’aux riches contribuables qui sont les principaux fraudeurs.

Les choix des comparaisons entre différents types de fraudes  sont évidemment arbitraires  et n’ont pas nécessairement de liens entre eux. Ils visent simplement à mettre en lumière l’absurdité de certaines idées reçues.

Par ailleurs, il existe un phénomène encore méconnu qui montre au contraire que les bénéficiaires de minimas sociaux ne perçoivent pas suffisamment les prestations auxquelles ils ont le droit : le non recours aux aides sociales (pour bien comprendre lisez notre article).


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