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Chiffres violence conjugale : une forte hausse du nombre de victimes et des chiffres effroyables
Le 16 novembre 2023, le ministère de l’Intérieur publiait les chiffres des violences conjugales en France. Vous pouvez les consulter à travers l’étude du SSMSI (service statistique ministériel de la sécurité intérieure). Voici les données les plus notables.
Une hausse des violences conjugales de toute forme
Les violences conjugales ont fait 244 000 victimes dans l’Hexagone en 2022, soit une victime toutes les 3 minutes. Cette tendance est en forte hausse : c’est 15 % de plus par rapport à 2021 ! Les violences sexuelles conjugales ont également progressé de 21 % par rapport à l’année précédente, et on dénombre pas moins de 145 homicides conjugaux.
De manière générale, les violences conjugales ont quasiment doublé en 6 ans. S’il s’agit dans les deux tiers des cas de violences physiques légères et modérées, nous verrons dans la seconde partie de cet article à quel point l’impact psychologique et l’emprise de l’agresseur sur sa victime peuvent être destructeurs.
Enfin, la part des violences physiques dites « criminelles », c’est-à-dire les homicides, les tentatives de meurtre, les meurtres, les tortures et actes de barbarie, reste rare (moins de 1 % des cas recensés), à l’instar des violences sexuelles, c’est-à-dire les viols et tentatives de viol (4 % des cas). Il est toutefois à noter que ces dernières sont en très forte hausse (+ 21 % par rapport à 2021) et représentent tout de même 18 viols ou tentatives de viols conjugaux par jour.
Un nombre d’homicides conjugaux qui stagne, mais reste trop élevé
Se faire tuer par son conjoint ou son compagnon, c’est la réalité de 145 femmes en 2022, un chiffre qui reste stable par rapport à 2020. Globalement, le nombre d’homicides conjugaux tourne autour de 150 victimes par an. C’est un chiffre qui fluctue ces dernières années sans qu’une tendance claire se dessine pour l’avenir.
Un phénomène touchant tous les milieux sociaux, mais reste géolocalisé
Le phénomène se retrouve dans tous les milieux sociaux sans exception, mais reste plus fréquent dans certains départements.
- la Guyane ;
- la Réunion ;
- la Guadeloupe ;
- la Seine–Saint-Denis ;
- le Nord ;
- le Pas-De-Calais ;
- le Lot-et-Garonne ;
- les Pyrénées-Orientales ;
- les Alpes-Maritimes ;
- les Bouches-du-Rhône.
Des victimes en grande majorité de sexe féminin qui n’osent pas porter plainte
9 victimes de violence conjugale sur 10 sont des femmes, âgées de 25 à 39 ans, françaises à 85 %. Les auteurs, quant à eux, sont pour une écrasante majorité des hommes (87 %) de nationalité française (83 %).
Les associations spécialisées tirent la sonnette d’alarme depuis des années afin que les pouvoirs publics prennent à bras le corps la lutte contre ce phénomène. En effet, tous ces chiffres, bien qu’éloquents, sont sous-estimés de la réalité. Et pour cause… 3 victimes sur 4 ne déposent pas plainte. C’est le résultat d’une étude portant sur 169 060 personnes en France.
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à lire les études publiées par le ministère de l’Intérieur.
Femme victime de violence conjugale : des conséquences terribles sur les plans physique et psychique
Comment expliquer qu’une femme battue reste avec son conjoint violent ? Comment expliquer qu’une femme victime de violence conjugale retourne d’elle-même dans le domicile après en être partie ou se mette en couple avec un autre compagnon agressif ?
Cela peut sembler incompréhensible, pourtant, les mécanismes psychiques de défense mis en œuvre par la victime justifient ces comportements. Pire, ils entraînent des conséquences dramatiques.
Les cinq expressions de la violence conjugale
Les traces de coups ne sont qu’une partie de l’iceberg : la violence conjugale n’est pas uniquement physique. En effet, il existe 5 types de violence conjugale :
- La violence verbale : interdictions, chantage, ordres, menaces, etc.
- La violence psychologique : atmosphère de peur et d’insécurité, tension insupportable, paroles attaquant l’estime de soi et/ou l’identité personnelle, etc.
- La violence physique : brutalité, coups, contrainte physique, etc.
- La violence économique : contrôle économique et/ou professionnel, contrôle des relevés de carte bancaire ou des talons de chèque, possession des moyens de paiement de l’autre, etc.
- La violence sexuelle : pratiques sexuelles non consenties, agressions sexuelles, tentatives de viol, viols.
Il existe même une « échelle de vigilance », le violentomètre qui permet de savoir si la relation est basée sur le consentement et ne comporte pas de violence. La raison en est simple : une fois sous l’emprise de leur conjoint violent, les femmes victimes mettent en place des stratégies de protection et de survie. Résultat : leur seuil de tolérance à la violence augmente et elles peuvent ne plus se rendre compte de ce qui est « normal » et ce qui ne l’est pas.
L’emprise de l’auteur sur sa victime et les cycles de violence
Nous l’avons évoqué dans le paragraphe précédent : l’emprise du conjoint sur sa victime empêche cette dernière de fuir.
En effet, l’emprise est un système de domination psychologique lentement mis en place par l’agresseur à travers des cycles de violence sur sa victime. L’objectif est de conditionner celle-ci à répondre à ses attentes sans prendre en considération son libre arbitre ou son propre bien-être.
Bon à savoir : il s’agit d’actes intentionnels. L’auteur des victimes a conscience de ce qu’il fait.
Petit à petit, la femme victime va accepter la place de plus en plus importante de la violence dans le domicile conjugal et va entrer dans un processus de victimisation qui l’empêchera de fuir. Ce processus entraîne un certain nombre de comportements :
- isolement ;
- sentiment de culpabilité lors des « crises » du conjoint ;
- peur et angoisse ;
- stress ;
- sentiment de ne plus avoir de pouvoir ou de contrôle sur sa propre vie ;
- sentiment de honte ;
- etc.
Une fois sous l’emprise de leur conjoint, il est très difficile pour une victime de partir. Et lorsqu’elle reste, les conséquences sont graves.
Une atteinte à l’intégrité physique et psychique qui entraîne des troubles psychotraumatiques
Afin de supporter l’emprise et la violence quotidienne de leur conjoint, les victimes mettent en place des stratégies de protection et de survie. À long terme, cela entraîne des troubles psychotraumatiques qui ont des conséquences lourdes au niveau psychique :
- état de stress post-traumatique ;
- troubles anxieux ;
- dépression ;
- idées noires pouvant mener à une tentative de suicide ;
- addictions ;
- troubles alimentaires ;
- troubles du sommeil ;
- phobies ;
- troubles cognitifs (mémoire, concentration, attention, etc.) ;
- etc.
La santé physique est également impactée par de nombreux troubles :
- douleurs chroniques ;
- fatigue récurrente ;
- troubles cardiovasculaires ;
- troubles gynécologiques ;
- troubles neurologiques ;
- maladies auto-immunes ;
- cancers ;
- etc.
En outre, ces troubles psychotraumatiques sont un facteur de risque majeur d’emprise et de revictimisation. En d’autres termes, une femme victime de violence conjugale pourra retomber plus facilement sous l’emprise d’un agresseur qu’une femme lambda.
Pour aller plus loin et mieux comprendre les mécanismes psychologiques cachés derrière l’emprise et les violences conjugales, n’hésitez pas à lire cet article.
Maltraitance conjugale : les enfants victimes collatérales
Si la principale victime des violences conjugales est, pour la très grande majorité des cas, une femme, il ne faut pas pour autant en oublier les éventuelles victimes collatérales : les enfants. En effet, ces derniers subissent de façon indirecte (ou de façon directe !) la violence et la domination qu’exerce le père sur la mère. Et l’impact traumatique de ces violences a des répercussions conséquentes, immédiates, mais aussi à long terme, jusqu’à leur vie d’adulte.
L’insécurité liée à l’atmosphère agressive et tendue du domicile familial est proprement insupportable pour un enfant. Il est donc fréquent que celui-ci développe une réponse de stress post-traumatique. Ce trouble peut se manifester de manières diverses et variées : cauchemar, hypervigilance, agressivité, isolement, etc.
L’enfant passe par différentes étapes afin de rationaliser la violence conjugale. De spectateur, il devient parfois un véritable acteur. Il n’est pas rare qu’il soit lui-même irritable, violent et très agressif envers autrui. Le but inconscient de cette attitude est souvent de montrer au parent agresseur qu’il réprouve ses faits et gestes, tout en tentant de stimuler le parent victime en lui démontrant son soutien actif.
Enfin, la violence conjugale laisse des séquelles sur le développement de l’enfant. À long terme, l’adulte peut souffrir d’addictions, de comportements suicidaires, de troubles cognitifs ou encore d’isolement social. Quant à son image des rapports dans le couple, mais aussi avec les autres de manière générale, elle peut rester profondément meurtrie : la violence y est alors un piédestal, véritable moyen de résoudre des conflits.
Si le sujet vous interpelle, n’hésitez pas à lire cet article complet.
Pack Nouveau Départ : un dispositif expérimental pour aider les victimes de violences conjugales
Les chiffres dévoilés par le ministère de l’Intérieur, ainsi que les conséquences psychotraumatiques reconnues sur les femmes victimes et leurs enfants témoins, démontrent à quel point la lutte contre les violences conjugales doit être une priorité pour les pouvoirs publics.
C’est pour cette raison que depuis janvier 2023, le « Pack Nouveau Départ » est expérimenté dans plusieurs territoires. Son objectif : un meilleur accompagnement des victimes de violences conjugales pour quitter le domicile conjugal.
Un dispositif complet pour quitter plus facilement le domicile conjugal
Il s’agit d’une série de dispositifs dont le but affiché est de permettre aux victimes de violences conjugales de quitter plus facilement leur domicile, tout en évitant les « faux départs ».
Concrètement, cela passe par des aides à différents niveaux :
- pour l’insertion professionnelle ;
- pour l’accès à la formation ;
- pour la garde d’enfants ;
- pour un accompagnement psychologique ;
- et bien évidemment, pour l’accès à un hébergement d’urgence.
Il existe déjà plusieurs aides de ce type, mais chacune demande de faire une démarche spécifique ; c’est long, contraignant et stressant pour les victimes. Le Pack Nouveau Départ, lui, est un accompagnement global. Tout sera beaucoup plus simple avec un seul référent qui déclenchera toutes les mesures nécessaires.
Les territoires d’expérimentation
Le Pack Nouveau Départ est un dispositif expérimental, c’est-à-dire qu’il n’est pas déployé et donc disponible dans toute la France. La liste des territoires concernés est désormais connue, elle comporte des territoires en zones urbaines, rurales et en outre-mer.
À l’heure actuelle il est expérimenté dans les départements suivants :
- Le Val-d’Oise (95)
- La Côte d’Or (21)
- Les Bouches-du-Rhône (13)
- Le Lot-et-Garonne (47)
- La Réunion (974)
Cette expérimentation devrait durer encore toute l’année 2024 avant qu’il ne soit généralisé à l’ensemble du territoire en 2025.
Des tribunaux spécialisés pour les violences faites aux femmes
Autre mesure directement liée au dispositifs contre les violences conjugales : la création d’une justice spécialisée pour les violences faites aux femmes courant mars 2023. L’objectif est de former tous les acteurs aux spécificités psychologiques des violences conjugales afin qu’un système dédié et plus rapide soit mis en place.
Depuis 2019, des filières de traitement d’urgence de ce type d’affaires ont été créées en France. C’est en s’appuyant sur ces 123 filières que cette spécialisation devrait voir le jour.
Une aide d’urgence de la Caf depuis le 1er décembre
À cet accompagnement global s’ajoute une aide financière d’urgence versée par la CAF. Celle-ci est désormais active dans tous les départements et ne fait pas l’objet d’une expérimentation comme . Ainsi, vous pouvez en faire la demande si vous êtes victime de violences conjugales pour quitter le domicile.
Bien évidemment, des conditions d’éligibilité doivent être respectées pour percevoir cette aide :
- Une ordonnance de protection a été prononcée par un JAF (Juge aux affaires familiales).
- Une plainte a été déposée.
- Un signalement a été effectué auprès du procureur de la République.
En revanche, aucune condition de ressources n’est exigée pour en bénéficier. Vos revenus déterminent le montant de l’aide accordée et sa nature, à savoir une somme d’argent non remboursable ou un prêt de la caisse d’allocations familiales à taux zéro. Retrouvez tous les détails sur les conditions de l’aide d’urgence en cliquant sur le bouton ci-dessous.
Numéro femmes battues et associations femmes battues : des contacts indispensables
Vous êtes victime de violence conjugale ? Vous pensez qu’un de vos proches est sous l’emprise de son conjoint ? Vous voulez obtenir des renseignements sur le sujet ? N’hésitez pas à contacter :
- le 3919 (numéro national de référence d’écoute téléphonique et d’orientation à destination des femmes victimes de violences)
- une association de lutte contre les violences sexistes et sexuelles via l’annuaire du site Arrêtons les Violences.
D’autres numéros pour femmes battues existent et il existe aussi de nombreuses associations locales vous permettant d’avoir un accompagnement personnalisé, rapide et près de chez vous dès que vous en ressentez le besoin.
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Depuis 2019, je dédie ma plume aux aides sociales et aux démarches administratives. Mon objectif : vous offrir un maximum d’informations, tout en vulgarisant ce que j’aime appeler « le langage Caf ». Pour que chacun puisse bénéficier des prestations auxquelles il a droit !